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Renouvellage

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Message par Ambre Lun 11 Juil - 4:16

Renouvellage

  Un petit garçon, qui semblait, à vue d’œil, avoir environ sept ans dans le compteur terrifiant du temps de la vie, n’arrivait pas à trouver le sommeil dans sa chambre. Il était allongé depuis des minutes, ou peut-être bien des heures - ce n’est pas comme si il s’en souvenait, trop agacé de se retourner sans cesse dans ses draps - et faisait visiblement preuve d’une insomnie indomptable. Ce n’était pas la première fois qu’il était confronté à ce problème. Cela faisait même quelques semaines que ce cauchemar durait, en réalité. Toutes les nuits, les mêmes pensées le hantaient. Il était incapable de s’en débarrasser.

  Étais-ce la folie de ce rêve qui était trop choquante ? La brutalité des événements ? Ou bien l’illusion cauchemardesque, qui, dans son esprit, semble être si réelle ? Il ne pouvait pas définir la cause du problème, tout simplement car la source était introuvable ; ou plutôt, il ne souhaitait pas la trouver. Alors, il tentait d’ignorer le problème. Il n’en avait parlé à personne et préférait se murer dans le silence. Il n’avait aucun moyen de s’exprimer, si ce n’était que ruminer ses pensées, parfois mélancoliquement, d’autres fois avec haine, mais toujours avec la même haine : réfléchir, encore et encore, jusqu’à se ruiner l’esprit et être tellement épuisé à un tel point que la réflexion devient impossible, et que même se lever de son lit est une épreuve.

  Il entendit un bruit dans le couloir, et il se rendit compte qu’il ne sentait plus ses pieds. Ils étaient froids, mais pourtant, il ne frissonnait pas. Il se leva, faisant grincer le plancher, et alluma sa bougie. La cire, refroidie par la température, se mit à nouveau à se liquéfier sous les yeux toujours aussi impressionné du petit garçon. Il aimait ce phénomène. Le renouvellement. Ce mot sonnait si bien lorsqu’il le prononçait : le r qui roulait dans la gorge, le « nou » prononcé tendrement, comme un murmure ; puis, on enchaînait avec « velle », doux mais plus brutal, moins poétique. On terminait finalement avec « ment », une simple syllabe, moins jolie, plus ferme, qui faisait moins rêver à cause de la réelle signification, mais qui composait tout de même le mot. Ça aurait tout de même sacrément mieux rendu avec un « age », à la fin. Renouvellage. Oui, c’était plus beau. Aux yeux des autres, peut-être que cela ne voulait rien dire, mais lorsque cela sortait de la bouche de l’enfant, tout paraissait plus juste, plus correct, plus normal. Probablement car ça n’existe pas. Le rêve est une belle chose, qui peut vite mal tourner lorsque la chute est trop puissante. A son plus grand désarroi.

  Il se frotte les yeux et porte l’assiette qui soutient la bougie dans sa main pour s’éclairer dans sa chambre. Il la connaissait par cœur. Le moindre meuble lui était familier, tout comme les babioles qui trônaient sur son étagère ; il pouvait situer le moindre grain de poussière et l’angle d’ouverture actuel de son armoire, comme si son instinct était bien trop présent et que son lien avec l’endroit était tellement puissant qu’ils étaient reliés éternellement.

Le son dans le couloir se répéta une nouvelle fois. Il avança jusqu’à sa porte, sans un seul faux-pas. Il savait où placer ses pieds pour ne pas faire grincer les planches de bois, et pour ne pas se heurter à quelconque objet ou meuble. A droite, sur le sol, un jouet ; hop, un petit pas de côté pour l’éviter, le mouvement parfaitement bien calculé pour ne pas cogner la commode qui se trouve à l’opposé. Il frôle les objets, tel un fantôme et ne touche à rien, ne fait pas de bruit : une ombre, ou bien un esprit. Il regarda à l’extérieur ce qu’il se passait par le trou de sa serrure. Une légère lueur émanait d’une grosse bougie qui était posée au sol, et on distinguait des jambes féminines nues, où, plus haut, se trouvait une large robe un peu salie, et légèrement abîmée. Elle était pied nue, parfaitement immobile. Tout semblait calme, sans danger.

  L’enfant ouvrit la porte, qui ne fit aucun bruit. Encore une fois, tout se passait dans un silence complet, comme si le petit n’était pas vraiment là et qu’il défiait toutes les lois de la physique. D’habitude, la porte grinçait toujours, et le parquet couinait. Aujourd’hui, il n’en était rien. Cela venait-il du fait que, cette fois-ci, il était en chaussettes ? Il ne se doutait pas que cela influait, mais c’était ce qui paraissait le plus probable.

  Il portait sa bougie devant lui pour éclairer le chemin et s’approcha de la femme le plus discrètement possible. Par chance, elle était de dos, ce qui lui facilitait la tâche. Elle avait les mains tendues devant elle, comme si elle portait quelque chose, mais qu’elle était dégoûtée par la chose en question.

  C’était un livre. Ancien, quelque peu abîmé, mais rafistolé très rapidement avec quelques morceaux de scotch, qui n’ont pas l’air de bien tenir. Sur la couverture, on peut apercevoir, malgré le très léger éclairage, une silhouette, probablement féline, sombre. Les yeux ressortent, une couleur vive, claire, visible. Qui s’impose. Ils montrent la présence de la bête.

  L’enfant s’approche davantage, toujours prudemment pour essayer de mieux voir, mais alors, la femme s’écrit :

  « Fruit du démon ! Dans ma maison, oui, chez moi ! »

  Il croyait d’abord que la femme parlait de lui, mais il n’en était rien. Elle ne l’avait même pas vu, ou alors ignorait totalement sa présence, toujours comme s’il n’était qu’une âme errant en silence. En fait, elle parlait au livre. Mais ce qui étonna le petit garçon, c’est qu’il crut reconnaître la voix de sa maman. Assez aiguë, parfois insupportable lorsqu’elle parlait trop fort. Il se rendit compte que la femme avait une belle chevelure rousse, bouclée, similaire à celle de sa maman. Il était inquiet. Qu’arrivait-il à sa mère ? Son innocence le leurrait. Il voulait partir. Sa curiosité était grandiose, mais la peur dominait. La peur domine toujours, peu importe la situation, sauf quand la personne est trop stupide pour ignorer l’appel de la terreur. C’est un réflexe, une protection instinctive, la peur, qui nous empêche de nous mettre en danger. Ceux qui ne la montrent pas et qui l’affrontent sont les plus fous et les plus inconscients de tous les humains.

  Néanmoins, il fut terrorisé lorsqu’il se rendit compte que ses pieds, qu’il ne sentait déjà plus auparavant, décidèrent de ne plus répondre. Il ne pouvait plus bouger.

  La femme tournoya sur elle-même, avant de s’arrêter juste devant l’enfant. Elle avait les yeux sur lui.

  Le petit garçon se mit à pleurer, prêt à recevoir sa punition car il ne dort pas encore et surtout qu’il espionne en cachette.

  Mais il n’en fut rien. Elle le regardait, clairement, mais elle ne le voyait pas. Elle remonta ses yeux vers le livre et commença à l’insulter :

  « Qui veut de toi ici ? Sûrement pas moi ! Il est temps de te supprimer, définitivement ! »

  Oh, le petit enfant, à son âge, ne se rend pas compte du pouvoir et de l’intérêt des livres et de leur lecture. Alors il ne réagit pas. Non, il est en larmes, agenouillé par terre. C’est en effet les traits de sa mère, mais il ne l’a jamais vu dans un tel état. Elle était devenue folle ? Ça y est, c’était la fin du monde ? C’est comme ça qu’on va mourir, alors ? La mère continuait de cracher ses paroles affreuses, toujours contre la même cible.

  « Alors, on va te jeter ! Et jamais plus tu ne reverras la lumière du jour ! »

  Sa voix était devenue grave, ses gestes brusques. Elle balança le livre au loin, dans un mouvement rempli de rage. Le petit hurla. Il ne savait pas pourquoi, mais il aimait ce livre. Alors il courut dans la direction où le livre avait été lancé, mais il ne vit pas le vide qui était devant lui, la tête trop levée.

  La chute commença, et il sentit son dos heurter le sol. C’était tellement réel... Pourtant, personne ne le voyait, il était un esprit invisible dans ce lieu. Il erre, hante. Ou est hanté.

  L’enfant se réveille en sursaut, dans son lit. Il a réussit à dormir. Pas longtemps, mais il a réussit. Le cauchemar a subit son renouvellage. Mais différent. Il a été légèrement modifié, a perdu une partie de lui et gagné une nouvelle.

  Il regarde sa bougie éteinte. La cire est glacée. Le temps a avancé.

Ambre
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